Passion. Voilà le vocable qui caractérise le mieux Calixte Beyala. Passion de la l’Afrique, son Afrique ; si riche de son humanité. Cette humanité-même qui, à l’en croire, constitue l’avenir de l’Homme. Tantôt critique, tantôt irritée, elle jette un regard enchanté mais lucide sur son continent. Sur les combats qui sont les siens. Sans jamais se renier. Témoignages.
Par Jacques POWPLY
interview publiée dans l’édition internationale du Magazine Afrique Compétences n°1
Vous militez pour la double discrimination positive de la femme, de surcroit noire. C’est à croire qu’il y a une conspiration universelle à l’égard de la femme elle-même, puisqu’à quelques nuances près ; celle-ci subit le même traitement dans toutes les sociétés à l’échelle planétaire ?
Les femmes constituent 52% de la population mondiale. Elles sont donc majoritaires. Pourtant elles sont sous représentées dans toutes les fonctions qu’elles soient administratives, politiques ou économiques. Donc, cela pose le problème de la réussite réelle de la femme dans toutes les sociétés. En France, il y a très peu de femmes à l’Assemblée nationale. Très peu de femmes sont patrons d’entreprises. Il n’y a jamais eu de femme président de la République ni de l’Assemblée nationale. Dans le monde entier, très de peu de femmes sont président de la République ou chef de gouvernement. Sans aller jusqu’en Afrique, en Europe, à l’exception d’Angela Merkel, on se retrouve sur le champ politique dans un no man’s land exclusivement réservé aux hommes. Cela relève du fait que la femme a toujours été considérée comme un être inférieur dans toues les sociétés. Il y a eu un complot masculin à l’égard de la femme avec le christianisme et toutes les religions, d’ailleurs. Déjà dans Genèse, nous sommes porteuses de péché. La femme a toujours été bannie, infériorisée, affublée de tous les maux. L’Afrique est un contient féminin et le jour où la femme prendra tout son pouvoir notamment politique, l’Afrique s’en sortira. Parce que c’est un être beaucoup plus humaniste. Cet humanisme est certainement, de mon point de vue, lié à la maternité parce que les femmes sont moins égocentrées et moins égocentriques ; donc moins portées sur elles-mêmes que les hommes qui se sentent obligés d’exister à travers des éléments factifs comme la belle voiture, la belle maison, la belle fonction. La femme n’a pas besoin de tout cela. Elle a déjà un pouvoir extraordinaire, celui de donner la vie. Et le jour où les femmes auront le pouvoir en Afrique, il y aura moins de guerre, moins de conflit, moins de famine, moins de corruption. Il en découlera un développement réel de l’Afrique. Reste à la femme de se battre.
Est-ce à dire qu’à ce stade de votre combat, aucune avancée significative n’a été enregistrée en matière de reconnaissance et de valorisation des droits de la femme en Afrique subsaharienne ?
Il y a eu des évolutions. Mais il y a encore en Afrique subsaharienne des régions où la charia est pratiquée. Des régions où il ya de grosses discriminations à l’égard des femmes. Des régions où la femme ne peut pas assumer des fonctions politiques. Des régions où même les associations de femmes sont dirigées par des hommes. Mais, il y a eu des avancées. On peut citer entre autres, la présidente du Libéria, Madame Mandela, une grande dame africaine. En côte d’Ivoire, il y a madame Simone Gbagbo qui est une grande intellectuelle africaine capable d’être autonome, c’est-à-dire qui existe d’abord par elle même. Parce qu’elle n’est pas une femme de représentation. Par conséquent, je ne citerai pas les épouses de chefs d’Etats parce qu’elles ne font rien d’elles-mêmes. Il y a eu dans l’histoire, la chanteuse Miriam Makeba. Elles ne sont pas nombreuses donc il faut faire évoluer les choses pour que l’Afrique change. Quand j’ai commencé à écrire, l’accueil n’a pas été chaleureux en Afrique. On a estimé que je faisais une littérature mineure. C’est après seulement qu’on s’est aperçu que ma littérature était beaucoup plus majeure que celle de 99, 99% d’hommes africains. C’est dire que nous les femmes, nous devons nous battre dix fois plus, nous justifier dix plus.
Ce peu de résultat n’est-il pas caractéristique du fait que les femmes en Afrique ont plutôt des préoccupations existentielles ?
Les femmes ont des préoccupations existentielles pas seulement en Afrique mais dans l monde entier. Parce qu’elles ont beaucoup de soucis. Elles ont le souci des enfants, le souci de se soigner, le souci de s’habiller…et en général, la femme contrairement à l’homme – même dans le couple le plus libéral qui soit – n’abandonnera pas son enfant malade pour aller travailler. Effectivement, il conquérir le social en gardant la prédominance dans le foyer. C’est pour cela que je n’ai jamais voulu que les femmes africaines singent les Occidentales qui ont des soucis d’hommes ; elles ne font plus d’enfant. Margaret Thatcher, dans la gestion de la chose publique en était la caricature. Il faudrait que les femmes aient la juste attitude. Qu’elles soient bien coiffées et maquillées, qu’elles continuent à faire des enfants tout en gérant la cité. Il ne faudrait pas qu’elles abandonnent certaines de leurs fonctions, le foyer. Non. Nous avons une puissance spirituelle, nous avons une puissance morale pour gérer et la cité et le foyer.
Comment, alors, les femmes du Continent peuvent-elles s’approprier le combat pour plus d’efficacité ?
Déjà, il faut canaliser les rancœurs des femmes à l’égard d’elles-mêmes. Parce que le problème des femmes c’est les femmes elles-mêmes. On parle d’excision mais ce sont des femmes qui la pratiquent. Je ne suis pas du tout de gauche. Pourtant à l’élection présidentielle française, j’ai voté au second tour pour Ségolène Royal pas parce que je croyais qu’elle était extraordinaire, mais parce qu’elle est une femme. Et je souhaiterais que partout les femmes aient ces réflexes corporatistes pour faire avancer leur cause. Que des femmes aident d’autres femmes. Souvent beaucoup de femmes prennent d’autres femmes pour des rivales. Plutôt de créer de la solidarité, cette rivalité sournoise empêche les femmes d’évoluer. Si toutes les femmes votaient pour une candidate, celle-ci gagnerait cette élection haut la main. Les femmes doivent adopter une démarche citoyenne et responsable. Quand on fait évoluer une femme, on fait évoluer chaque cause à l’intérieur-même de son foyer même si on n’est pas politique.
La stigmatisation de la discrimination à l’égard de la femme ne contribue-t-elle pas davantage à son renforcement ?
Bien au contraire. Plus on en parle, plus les femmes prennent courage. Elles en veulent, elles veulent s’en sortir. Pour devenir ce que elles veulent devenir et non subir le destin qu’on leur a tracé. Le silence contribuerait à maintenir le statut-quo.
L’Afrique est décrite comme le continent où sévissent les dictatures. Pourtant, l’un de ses Etats est présidé par une femme…
Malgré les scepticismes et pessimismes ambiants, je demeure convaincue, et ce depuis toujours, que l’Afrique est le poumon et l’avenir de l’humanité. Je sais que l’Afrique donnera l’exemple d’un développement différent et d’une évolution différente. Nos frères du Libéria ayant vu les limites des hommes ont confié leur destin à une femme. Et depuis l’arrivée au pouvoir de cette dame, le Libéria est entré dans le concert des nations non seulement évoluées mais aussi civilisées, parce que pour moi, la civilisation n’est pas seulement liée au développement économique mais elle est aussi le fait d’un développement intellectuel et spirituel des peuples.
L’actualité en Afrique est nourrie de crises à répétition, notamment au Soudan, en Côte d’Ivoire, en République démocratique du Congo, au Zimbabwe. Faut-il désespérer de ce continent ?
Les gens ont souvent une lecture des peuples. L’histoire des civilisations des peuples ne peut se faire à court terme. C’est une affaire de siècles. Or, l’histoire de l’Afrique moderne a commencé il y a cinquante ans. En 2010 nous allons célébrer ces 50 ans. C’est très court comme période pour justifier tout ce qu’on dit. A 50 ans, un homme est encore jeune. A 50 ans, un peuple est un bébé. C’est un peuple en balbutiements, qui essaie d’organiser son système, en nation. A partir de là, moi je dis à tous qui disent que l’Afrique a échoué qu’ils ne savent pas lire. L’Afrique a fait vraiment des progrès extraordinaires par rapport aux autres civilisations. Quand les Européens quittaient l’Afrique, ils ne nous pas laissé grand-chose. Ils n’ont pas laissé beaucoup d’intellectuels. Ils n’ont pas laissé e routes ni d’hôpitaux. Il faut quand même dire la vérité. En cinquante ans, l’Afrique a formé des intellectuels de haut niveau, de renom. De grands médecins, savants, historiens, ingénieurs, écrivains… Il y a eu un couac en Côte d’ivoire avec cette histoire d’ivoirité. Mais le peuple ivoirien est un peuple extraordinaire, brillant et intelligent qui va se ressaisir et reconstruire son pays. Et il va le faire, le peuple ivoirien. Combien de couacs beaucoup plus graves ont traversé les pays occidentaux avant d’arriver à ce calme apparent ? Les guerres en Occident, il y en a eu combien ? Il y en a toujours d’ailleurs. Ils ont toujours leur ventre mou notamment la Croatie. Les plus grandes guerres n’ont pas été faites en Afrique, elles ont eu pour théâtre l’Occident. Il faut que les Africains arrêtent de s’auto-flageller. Effectivement, nous avons encore quelques à faire, au niveau économique et politique et nous allons le faire. Donc il n’y a aucune raison de désespérer du cas de la Côte d’Ivoire. C’est un pays extrêmement riche avec un potentiel énorme dont une jeunesse qui est là, qui arrive. A moins d’aller du principe que les Africains sont des imbéciles, connaissez-vous un peuple qui a coulé son pays ? on a connu des guerres, même en France, on connu des meurtres inqualifiables. La guillotine pendant la révolution française, qu’est-ce que c’était ? Napoléon, qu’est-ce que c’était ? Un dictateur ! A la moindre chose concernant l’Afrique, il y a un grossissement de tout, une amplification qui donne des complexes aux Africains et les empêchent d’avancer. L’Afrique, de mon point de vue, s’est beaucoup développée en cinquante ans. Il y a des universités d’Etat, des écoles. Aujourd’hui, un jeune africain peut très bien suivre sa scolarité en Afrique, avoir un très bon niveau sans jamais mettre les pieds en Occident. Et alors ? Connaissez-vous des peuples qui ont fait autant en cinquante ans ? Moi, je n’en connais pas. On ne lie pas l’histoire d’une nation sur un demi-siècle. C’est une absurdité.
D’aucuns accusent les intellectuels africains d’être la cause des problèmes de l’Afrique, notamment quand ceux-ci entrent en politique…
Ce sont des gens abscons et obstrus. Il faut toujours que les intellectuels soient dans une nation, car ils apportent un éclairage et une vision que les politiques n’ont pas forcément. Moi, je raisonne sur l’Afrique sur mille ans, le politique lui raisonne sur six mois. On ne peut pas concevoir une nation à court terme. Or le politique le fait. Il y a des élections, je gagne ou je perds. Et il va colmater quelques brèches pour gagner. Un point c’est tout. L’intellectuel va se dire, en posant tel acte ou en réfléchissant dans tel sens, nous allons obtenir des résultats dans dix, dans quinze ans. D’où l’intérêt dune association, d’une coordination équilibrée entre le politique et l’intellectuel pour qu’un pays fonctionne. En Occident, est-ce que les intellectuels sont loin du pouvoir ? Et non, ils sont toujours très présents. Ici en France, Il y a un livre qui vient d’être publié sur moi dans lequel on dit que j’avais modifié la société française. Eh bien oui ! Pourtant, je ne suis pas une femme politique.
Et comment ?
Tout simplement sa place au sein d’elle-même. J’ai fait comprendre à la France qu’elle n’était pas monocolore, unicolore et mono-culturelle. J’ai fait comprendre à la France qu’elle était multiraciale, multiculturelle.
Donc à la France de se redécouvrir ?
C’est cela le rôle d’un intellectuel. Percevoir différemment afin que la politique soit réorganisée différemment. On est gênant, je le reconnais. Parce qu’on bouscule les acquis. on empêche les politiques de faire leurs manigances en toute tranquillité. On peut nous jeter des pierres, nous injurier en passant. Mais, on est là pour dénoncer. Moi, je travaille sur l’identité sur vingt ans. Sinon cela n’a aucun intérêt. Nous aidons les politiques à mieux faire à travers nos perceptions. Peut-être nous ne sommes pas capables de les mettre en application. Parce qu’il y a justement l’idéologie et la pratique. C’est ensemble, intellectuels et technocrates, qu’on arrive à construire une société équilibrée. Il ne faut pas ni exclure les uns, ni exclure les autres.
Est-ce donc cette positivité qui vous a conduit à prendre une position favorable plutôt favorable, dans la Plantation, au régime zimbabwéen à un moment où il était voué aux gémonies, puisque votre héroïne soutient la cause nationale ?
Ma position est simple. Elle est universelle. On ne peut pas dire qu’on est africain parce qu’on noir. On ne peut pas dire qu’on est Européen parce qu’on est blanc. On dit qu’on est Européen parce qu’on a une culture européenne. On dit qu’on est africain parce qu’on a une culture africaine. Il faut que l’Afrique qui est une grande dame apprenne à tolérer. On ne peut pas chasser d’un pays des personnes qui sont là depuis des siècles parce qu’elles blanches. L’Afrique doit se faire forte d’une moralité inébranlable. L’Afrique n’a jamais été un continent où on tue des gens, en dehors du cas du Rwanda qu’on peut déplorer, on n’a jamais tué des gens en Afrique en fonction de leur couleur de peau ou de la couleur de leurs yeux. L’Afrique n’a jamais développé des idéologies de rejet, d’exclusion, d’extermination et de ségrégation. C’est un bel héritage que nos ancêtres nous ont légué et que nous devrions préserver. L’Afrique a toujours accueilli l’Etranger avec amour. C’est une grande force. Malgré les difficultés que traversent nos différents pays, il nous faut garder cette valeur. C’est notre élément de supériorité sur le reste du monde. Un élément de survie de morale, de grandeur pour l’humanité. L’Afrique est un continent humaniste. Elle l’a toujours été. Il faut qu’elle garde cette humanité, quoi qu’il advienne. L’Afrique n’a pas à se salir pour trois à quatre Blancs qui viennent y vivre. Qu’est-ce que cela chance dans l’histoire de l’humanité? Rien ! Cela rendrait l’Afrique plu pauvre ? Pas du tout ! Pour l’instant, on n’a même pas commencé à exploiter le potentiel des richesses africaines. Qu’est-ce que cela lui coûte que deux ou trois Blancs viennent s’installer en Afrique? Ils sont Africains, tant mieux pour eux. Regardez, ceux qui ferment leurs frontières sont entrain de crever de leur propre égoïsme.
Justement que vous inspire en tant qu’Africaine, noire et immigrée, la politique d’immigration actuelle des autorités françaises, qui enferme la France sur elle-même ?
C’est triste pour la France. Et ça la tuera. Par contre, c’est une très bonne chose pour l’Afrique. Je vous dis pourquoi. Je ne suis pas pour que les jeunes africains immigrent en France. Quel intérêt ? Venir balayer la France ? Avoir froid ? Ne pas savoir où dormir ? ne pas avoir à manger ? Être traité de sales nègres dans les rues ? Ça n’a aucun intérêt. L’Afrique est assez vaste pour accueillir nos enfants qui ont envie de voyager. Notre continent est quatre plus grand. Avec un minimum d’infrastructures, c’est la terre la plus riche au monde. Si nous allons vers les Etats-Unis d’Afrique auxquels je tiens beaucoup, nous avons de telles richesses qu’il va nous manquer de la main-d’œuvre très rapidement. Mais est-ce que les Africains ont conscience que l’Afrique sera sauvée par les Etats-Unis d’Afrique ?
Très peu très probablement !
Voilà la différence entre les intellectuels et les politiques. Parce que les politiques africains veulent avoir la mainmise sur leurs peuples pour continuer piller en toute impunité leurs pays au profit de leurs familles respectives. Un dirigeant africain qui aime son pays, doit déclarer qu’il y ait les Etats-Unis d’Afrique. Parce qu’à partir de là, on n’aura besoin de personne pour nous développer. On n’aura besoin de personne pour quoique ce soit.
Quelle a été donc votre réaction suite à la guéguerre, par médias interposés, faite au président libyen lorsqu’il a été porté à la présidente tournante de l’Union africaine ?
J’ai défendu le président Kadhafi parce qu’il a une vision que je trouve très juste de l’Afrique des États-Unis d’Afrique. C’est la seule vision pour sortir l’Afrique du sous-développement. Il n’y en a pas d’autres. Comment voulez-vous qu’un petit pays comme le Gabon, la Centrafrique ou le Cameroun puisse négocier avec les États-Unis d’Amérique ? La seule possibilité pour le faire, c’est de constituer un grand bloc. Aujourd’hui, il y a des grands blocs. Il y a le bloc européen, le bloc asiatique, le bloc américain. Il faut le bloc africain. Et ce bloc africain, c’est les États-Unis d’Afrique. Ce n’est que de cette manière que nous pourrons équilibrer les rapports de force avec les autres. Or, certains chefs d’Etats sachant que demain ils ne pourront plus s’approprier les richesses de leurs pays sans risquer d’avoir à rendre des comptes, s’opposent à la création des États-Unis d’Afrique, un pays avec 53 Etats et un organe central. Ils fonctionnent par seul égoïsme in-di-vi-duel. Je dénonce ces chefs d’Etas là.
Il n’empêche que les peuples africains n’ont pas toujours conscience de ce fait.
Parce que les télévisions et les radios n’en parlent pas. Vous savez très bien que les télévisions et les radios dans beaucoup de pays d’Afrique sont sous domination des présidents. Par conséquent, les médias n’informent pas, n’indiquent aux peuples que voilà la route pour sortir de la crise, du sous-développement. Ces présidents ne veulent pas, parce qu’ils vont perdre, automatiquement, leurs pouvoirs. Ils n’ont guère le souci de leurs peuples ni celui de leur avenir. Ils disent, « on va voir ça en 2025 ». Pourquoi ? Pace qu’ils seront déjà morts, eux.
Le président français, Nicolas Sarkozy, promeut une politique dite « d’immigration choisie » que d’aucuns assimilent volontiers à une nouvelle forme d’esclavage. Qu’en dites-vous ?
Je dis que je m’en fous ! Si les Africains veulent se laisser choisir, c’est leur problème. Vous savez, il y a des déclarations et des déclamations qu’on peut faire et qui n’ont pas beaucoup de sens. Celle-là n’en a pas. Avez-vous vu beaucoup d’Africains avec leurs diplômes faire la queue devant les consulats français pour venir en France ? Non ! Eh bien alors ? C’est un non-problème, une non-solution, une non-proposition. C’est une absurdité absolue. Vous croyez-vous que les Africains les plus brillants vont venir se mettre en rang pour être choisis? Il faut avoir un peu de respect pour le peuple. Ils ont été demander aux simples élèves africains de terminale s’ils voulaient venir étudier en France, ils n’ont eu que 2% de réponses positives par classe. Les 98% ont dit, je vais en Côte d’Ivoire, en Afrique du Sud ou au Canada. Et vive l’Afrique.
Vous militez également et dans le cadre de Collectif Egalité, pour les droits de minorités visibles en France, quel diagnostic faites-vous de la situation en la matière ?
Mi-figue mi-raisin. Cela fait plus de dix ans que nous menons ce combat. Il Harry Roselmarck à la télévision, des femmes comme Rama Yade, Rachida Dati sont issues de ce mouvement là. Nous continuons le combat. Il avance très lentement parce que comme je le disais tantôt, la France se voyait monocolore et non multicolore, mono raciale et non multiraciale. Je ne regrette pas d’avoir mené ce combat et d’avoir redéfini l’identité de la France. Parce que ce à quoi cela a abouti, c’est la redéfinition identitaire. C’est-à-dire, sans remettre en cause le socle constitutionnel, on a rajouté à ce socle d’autres nouveaux éléments qui font sa diversité.
Comment entrevoyez-vous la situation de ces minorités à court, moyen et long termes ?
A court terme, elle va évoluer très lentement. A long terme va gagner parce qu’il y a la mise en place d’un certain nombre de choses qui permettrait l’évolution ; certainement pas avec ma génération mais avec celle de ma fille et de ses enfants et on trouver de vrais ministres venus de l’étranger. On va très rapidement et effectivement trouver de vrais hommes politiques issus de l’immigration et non des Afro-français comme c’est le cas en ce moment. Ce sont des Africains qui sont là et ont développé une culture à la fois intellectuelle, linguistique, architecturale et même culinaire. Il y a donc une nouvelle culture en France qui est générée par ceux qu’on peut appeler des Afro-français. Cette culture va devenir de plus en plus présente dans la société française et la société française est entrain de beaucoup évoluer dans ce sens là. Il n’y a qu’à voir les choses qui touchent au métissage génétique. Il y a effectivement un souci pour quelques responsables aussi bien politiques qu’industriels par rapport à la représentation, en leur sein, de la diversité ethnique de la France.
Votre commentaire sur l’élection de Barack Obama en tant que 44è président des États-Unis d’Amérique ?
J’en ai été très heureuse, vous imaginez bien. Mais cela ne signifie pas du tout que les États-Unis ont changé. Je constate tout simplement qu’il y a eu une forte mobilisation de toutes les minorités aussi bien noire, asiatique, hispanophone qu’homosexuels…Ils ont tous voté, unanimes, comme un seul homme pou Obama. C’est pour cela qu’Obama gagne en réalité. Donc il y a eu une prise de conscience réelle et c’est bien pour les États-Unis parce que cela change l’image du pays. Après huit ans de carnage de Georges Bush, Obama est une bénédiction pour les Américains. Il donne un nouveau dynamisme au pays. Il a changé le regard hostile que le reste du monde avait sur les États-Unis. C’est un regard plus acceptable, plus tolérant, plus lumineux d’ailleurs, pour le peuple américain. Je n’ai jamais pensé que c’est un Africain puisque, malgré tout, il est d’abord le président des Américains. Les États-Unis est un pays de prédateurs et même avec Obama, ils vont continuer à avoir des attitudes de prédateur.
Que l’Afrique peut espérer de cette élection ?
Rien. C’est le président des Américains. Il est temps que les Africains l’apprennent. Il va d’abord servir son peuple avant de faire des petits coudes. C’est tout à fait logique.