On la reconnaît à sa silhouette longiligne et à cette coiffure assez particulière qui emprisonne à leurs racines, à l’aide d’un ruban, de longs cheveux dressés comme une crête. Cette rentrée, elle devrait mettre le cap sur France 5 où elle est annoncée pour reprendre les rennes du magazine Les Maternelles. Elle, c’est Elisabeth Tchoungui, journaliste à France 24 depuis la création de la concurrente française de CNN et de la BBC, deux chaînes d’information en continu américaine et britannique. Un retour aux sources puisqu’à ses débuts, la jeune journaliste y avait officié.
La vie d’Elisabeth Tchoungui pourrait se résumer en télé. Elle enregistre près de la moitié de ses 35 ans sur les plateaux. D’abord à la CRTV, la télévision nationale camerounaise, ensuite sur les chaînes françaises TF1, CanalJ, France 5, TV5 Monde, Voyage et France 24.
Diplômée du CELSA et de l’Ecole de Journalisme de Lille (69è promotion), Elisabeth commence sa carrière télévisuelle française à la rédaction de TF1 puis la poursuit à Canal J en présentant le JTJ (Journal télévisé jeunesse). Parallèlement à cette charge, elle pilote le JT sur TV5 Monde ainsi que le magazine «24 heures à » de la chaîne francophone.
2006. Dès son lancement, France 24 confie son service culturel ainsi que la présentation du journal de la culture à Elisabeth. Lors de ce rendez-vous quotidien, la journaliste reçoit les acteurs de la scène artistique internationale et met en lumière les manifestations culturelles de premier plan. On la retrouvera ainsi sur divers théâtres (Festival de Cannes, Berlinale, Mostra de Venise, etc.) en train de faire montre de sa grande culture. C’est qu’Elisabeth est aux confluences de plusieurs civilisations.
Père Camerounais et mère française originaire du Sud-ouest de la France, elle est née aux Etats-Unis, a grandi au Cameroun et étudié en France où elle travaille et vit.
Mais elle sait surtout tirer avantage de ses origines camerounaises. Ce véritable terreau par lequel elle entend enrichir son autre moitié française. Notamment quand elle emboîte son stylo pour se transformer en une écrivaine à la plume enivrante. Son premier roman, Je vous souhaite la pluie, en témoigne par son style qui l’emprunte au célèbre Le soleil des indépendances d’Ahmadou Kourouma. Un savoureux mixage des français de France et du Cameroun. A ce propos, la critique littéraire du Figaro, Astrid de Larminat, écrivait à la sortie du livre: «On est immédiatement happé par la pétulance du phrasé d’Elizabeth Tchoungui qui emprunte au parlé camerounais sa truculence et son sens de la métaphore prosaïque, ainsi qu’un certain esprit railleur». Ce conte de fées des temps modernes se veut un double hommage à l’Afrique «le continent où la langue française a le plus de vitalité ». En raison d’un renouvellement permanent «comme nulle part ailleurs, chaque jour de nouvelles expressions y apparaissent» et aussi « à mes sœurs africaines, à leur courage, leur dignité et leur dynamisme car elles sont l’avenir de l’humanité et de l’Afrique en particulier ».
Après Sept filles en colère, un recueil de nouvelles coécrites avec six camarades de l’ESJ de Lille, Elisabeth qui avoue avoir «chopé le virus » de l’écriture mûrit un deuxième projet. Un roman dont le héros sera cette fois un homme d’origine camerounaise et aura «une forte base africaine parce que l’Afrique m’inspire tout particulièrement », confie cette écrivaine qui dit écrire « avec ses tripes».
Si elle préfère toujours être du côté de la Culture en télévision, c’est pour essayer d’inverser à son modeste niveau la tendance des media français à ne diffuser qu’une image désastreuse de l’Afrique. «On parle rarement de l’Afrique qui marche, alors que le continent reste debout. C’est pour cela que professionnellement, j’ai toujours essayé de prendre le contre-pied de cette tendance. (..) Or la culture est un moyen de parler de manière positive de ces pays », explique Elisabeth. Qui n’en demeure pas moins dans la société, une militante convaincue de la cause des minorités. Sa réaction relative à la représentation desdites minorités dans les media est sans appel. «C’est bien de mettre des présentateurs blacks à l’antenne. Mais si dans les feuilletons télé, le voyou est toujours un arabe et le dealer de drogue un black, on n’est pas très avancé… Dans les journaux télévisés, on ne voit de noirs que dans les sujets sur les squats, les sans-papiers. Quand on interroge des spécialistes – un économiste à propos du prix du pétrole, un vétérinaire à propos de la grippe aviaire, ou un médecin à propos de tel vaccin – ce sont rarement des noirs. Or il y en a dans ce pays », dénonce-t-elle.
La discrimination, Elisabeth l’a expérimentée. Etudiante, elle était contrainte d’envoyer sa mère visiter les appartements qu’elle voulait prendre en location parce que le « oui » au téléphone se transformait aussitôt en «l’appartement venait d’être pris» quand elle s’y rendait elle-même. Aussi, demeure-t-elle convaincue qu’il est important de montrer des noirs, des arabes, qui ont réussi si l’on veut changer la perception inconsciente que leurs hôtes ont d’eux. «J’en ai marre que dans l’imaginaire de ceux qui vivent ici, le noir soit éboueur, racaille, nounou ou nettoyeur de métro. Alors qu’il y en a qui sont ingénieurs, chefs d’entreprise, et même secrétaire d’Etat!», s’exclame dépitée la journaliste.
Autant de raison pour justifier son engagement au sein de la Commission Images de la diversité du Centre National de la Cinématographie et du comité directeur d’Unifrance, organisme chargé de promouvoir le cinéma français dans le monde.
Par Jacques POWPLY
(Portrait publié dans l’édition intrenationale du Magazine panfricain Afrique Compétences n°2)
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