Pétri de talent, il sait à la fois se fondre en son sujet et prendre avec celui-ci, la distance nécessaire pour demeurer, avant tout, un témoin. Celui dont le regard éclaire les faits, sans parti-pris ni complaisance, ni désinvolture. A preuve, son reportage en août 2007 sur la commémoration du premier anniversaire de la mort du jeune soldat israélien Yohan Zerbib, tué lors de la guerre entre l’Etat hébreux et le Hezbollah libanais. Commentaires: [De son passage sur terre, Yohan aura laissé l’emprunte d’un être plein de courage, de générosité et de conviction. Il est mort le 12 août 2006 dans les rangs de Tsahal au terme d’un violent combat avec les milices du Hezbollah. Il avait quitté la France pour faire sa vie en Israël. Au cours d’une ses missions, Yohan avait sauvé ses camarades. En retournant en Israël, Yohan s’est penché pour ramasser de la terre, il s’en est couvert le visage. «C’est pour cette terre que nous nous battons », avait-il déclaré. C’est pour cette terre qu’il est mort.
Cinq jours avant sa mort, Yohan était interviewé par la télévision française. Au micro Patrick Fandio, grand-reporter lui demande s’il est conscient des risques que représente le conflit. « Je suis tout seul en Israël, ma famille est en France. Oui, je suis prêt. Je suis prêt à risquer ma vie pour défendre mon pays ! ».
Aujourd’hui Patrick Fandio a tenu à se déplacer pour assister à la cérémonie. Il se souvient de Yohan. Mort à l’âge de 22 ans pour défendre son pays, Yohan restera à jamais, un modèle pour sa génération].
Il n’a pourtant pas sa langue dans la poche. Chaque mot dont il use, fait toujours resurgir une vérité. Celle d’un homme lucide et engagé. Que seul le rêve porte à tant d’audace. Dans une interview accordée à un confrère camerounais, il avait osé charger les forces de l’ordre nigériennes plutôt préoccupées à rançonner les automobilistes qu’à daigner un regard sur un désuet patrimoine archéologique, pourtant victime de pilleurs invétérés. « Il y a d’autres chats à fouetter ! Tous ces « dangereux » chauffeurs de cars qui risquent de franchir les barrages sans laisser leur billet de 5OO FCFA !», avait-il commenté.
Mieux, avait-il martelé au sujet des essais cliniques d’un certain «vaccin» contre le sida au Cameroun : «Dans un touchant réflexe d’indignation, j’ai entendu certains dire qu’il fallait dénoncer l’utilisation de «cobayes africains» ; comme si ailleurs dans le monde des milliers d’Européens, de Latinos, de Nord-américains, d’Asiatiques ne se livraient pas à des essais cliniques pour la recherche biomédicale avec des protocoles éthiques standards. Comme si des malades africains ne profitaient pas ou ne profiteront pas des médicaments ainsi testés ».
Et à propos de la politique française de la «discrimination positive» et de l’un de ses corolaires, la représentation des «minorités visibles dans les médias», il assénait : « Si on le veut vraiment, il est parfaitement possible de dénicher d’autres journalistes noirs expérimentés, doués, ou même, pourquoi pas, médiocres, comme il en existe dans toutes les rédactions. La vraie égalité, ce sera quand nous aurons aussi le droit d’être moyens ».
34 ans. Jeune journaliste prodigieux, à qui l’avenir promettait une carrière exubérante, Patrick Fandio vient de faire un pied de nez à son destin qui semblait pourtant si bien tracé. Le désormais ex-grand-reporter à TF1 a posé ses valises à Johannesburg en Afrique du Sud, parce que non seulement «ce pays nous a fait rêver pendant toute notre jeunesse mais aussi c’est un carrefour africain, une plate-forme.», confiait-il récemment à un confrère. Du même coup il abandonne un formidable job sur la chaîne de télévision la plus regardée en France ainsi que tous les privilèges à lui rattachés.
Patrick rêvait depuis toujours de travailler en Afrique. La prochaine Coupe du monde de football qu’accueille le pays de l’emblématique Nelson Mandela lui en a offert l’opportunité. Le journaliste camerounais s’y installe avec les bureaux d’Impala, la société de production qu’il a créée avec ses amis et partenaires. Objectif avoué : produire des reportages et documentaires pour l’ensemble du continent. Afin que «les Africains racontent eux-mêmes leur histoire au monde».
Si son engagement africain procède d’un lien affectif tenace avec ce continent, Patrick Fandio reconnaît en revanche qu’il est un rêveur et rêve d’une autre Afrique. Cette Afrique qui gagne. Parce qu’elle aura su mieux exploiter ses énormes potentialités. Pas celle résignée qui courbe l’échine. «Notre Afrique est encore vierge et il y a plein de choses à y faire. J’envisage de m’investir un peu plus pour elle», n’avait-t-il cesse de répéter.
Aussi, répond-t-il à ses détracteurs qui pourraient voir en son départ de TF1 un caprice d’enfant prodigue, par cette réflexion qu’l avait eu voici déjà quatre ans et qui résonne aujourd’hui comme une prémonition: «Chacun doit trouver son chemin en fonction de ses aptitudes, de ses goûts, de ses envies, de ses compétences, de ses hobbies».
Patrick Fandio avait rejoint la France en 1993, après son Bac D passé dans son Cameroun natal, pour étudier les Sciences de la communication à l’Université de Nancy. Trois années plus tard, il se gratifie d’une licence et entre après concours au Celsa (école de communication dépendant de la Sorbonne). Lorsqu’il termine son cycle, il est plutôt attitré par la radio. Cependant, c’est France 2 qui lui ouvre les portes de sa rédaction en 1998 grâce au coup de pouce d’un de ses anciens encadreurs, Rachid Arhab. Cinq années de preuves et TF1 le ‘débauche’ avec le titre de grand reporter auréolé d’un salaire hallucinant. En onze années de carrière sur ces deux chaînes, il aura couvert les plus grands événements de ce début de 21è siècle : le 11 septembre, le Tsunami du 25 décembre 2004, la guerre en Irak, l’offensive israélienne contre les milices du Hezbollah libanais en 2006, les tremblements de terre en Turquie, en Iran, etc.
Plus qu’un pari, c’est un nouveau défi que se lance ce jeune homme qui apprend avec «une vitesse déconcertante» à en croire l’un de ses anciens supérieurs hiérarchiques à France 2. Comme seize ans auparavant, lorsqu’il s’était orienté contre toute attente vers le journalisme, cet univers qui le dévorait ; Patrick Fandio est bien décidé à écrire sa légende personnelle en suivant son « instinct ». En effet, au lycée, Patrick avait accepté de faire des études scientifiques qui ne le passionnaient guère, seulement «pour faire plaisir à ses parents». Certes, il en avait les capacités, mais il était plutôt intéressé par des matières telles la géographie, l’histoire, la philosophie. Toutefois, le journaliste reconnaît sur le tard que «le Bac D était finalement un bon compromis » en raison du juste équilibre entre les coefficients des matières littéraires et scientifiques.
«Le journaliste est un métier qui mène à tout !», a-t-on coutume de dire. Bon vent, cher confrère !
Par Jacques POWPLY
(Portrait publié dans l’édition intrenationale du Magazine panfricain Afrique Compétences n°2)
0 commentaires à “Patrick Fandio: Rêveur mais lucide et engagé”