Voix caverneuse mais chaleureuse quand il conte son Afrique enchantée. Pour dépoussiérer les valeurs et patrimoine ancestraux d’un continent jadis riche de ses épopées. A 50 ans bien sonnés, il porte allègrement une silhouette juvénile toujours coiffée de dreadlocks qui lui confèrent une allure de routard invétéré. Mais Soro Solo a fait un choix de vie ; être disponible pour les autres pour mieux s’enrichir des influences multiples qui lui donnent cette ouverture d’esprit et régénèrent ses sujets. Passionné de voyages et de découvertes, il parcourt monts et vallées, toujours présent là où le devoir l’appelle, là où il se sent utile à la communauté, ses auditeurs ; par lequel il vit. Que serait-il sans la radio? Lui qui l’a porté dans le corps et le cœur depuis sa tendre enfance. Au point de ne présenter à la fin de son cycle secondaire que l’unique concours d’entrée au Studio école de la Radiodiffusion- télévision ivoirienne. Sacré Ebony en 1993 à la faveur de l’édition inaugurale du prix d’excellence de l’Union des journalistes de Côte d’Ivoire (UNJCI), le voilà distingué du Grand prix des radios francophones en juillet 2009. Monsieur Grognon récolte ainsi les fruits de sa passion et de son abnégation. Ceux aussi de sa vision d’une radio enracinée dans la société et s’intéressant, loin des projecteurs, aux hommes et femmes qui procurent encore du sens à l’humanité et à la vie. L’espérance.
Avec son «frère blanc» et complice Vladimir Cagnolari, Soro Solo conte chaque jour depuis deux saisons le Continent sur France Inter dans une émission au titre évocateur, L’Afrique enchantée. De Tanger au Cap, une heure d’antenne quotidienne consacrée à un pays, ses légendes, ses mythes, ses grands gestes épiques et à ses multiples identités, avec en illustration la musique.
Mais alors, quel intérêt y-a-t-il à parler d’une Afrique qui se veut enchantée sur une radio française ne diffusant qu’en France ? «La France et les français (…) ont une image dévalorisée et récurrente de l’Afrique non du fait de leur ignorance mais parce que les média leur en imposent. Ainsi, comme je me trouvais dans une chaumière, je leur dis : « Ecoutez, je vais vous raconter un peu de mon Afrique ». Ce faisant, il met à la disposition des auditeurs une nouvelle grille de lecture qui les porte à mieux la découvrir et l’apprécier. Idem pour les fils de l’Afrique dont l’esclavage et la colonisation ont déprécié les regards sur leur propre continent. « En racontant à ceux-là la puissance, les savoirs et connaissances de l’Afrique, ils pourront progressivement se débarrasser de ce vilain complexe d’infériorité et arrêter de se déconsidérer ». Et pour conclure : « Et toi aussi, ma chère Afrique, tes enfants s’ignorent. Tout ce que je voudrais, c’est te présenter afin qu’ils apprennent à se redécouvrir eux-mêmes », implore-t-il.
Conter l’Afrique en utilisant la musique comme document. L’originalité de ce concept n’a pas manqué de séduire les responsables de France Inter. Néanmoins, c’est davantage ce ton nouveau, énième tentative pour lustrer l’image d’un continent trop souvent malmené, infantilisé et méprisé ; auquel s’ajoute la capacité de Soro Solo à émouvoir et faire rire avec des sujets graves, susceptibles de faire pleurer qui conquièrent les auditeurs de cette fréquence. Si bien que «L’Afrique enchantée est désormais, selon la Médiamétrie française, l’une des trois émissions les plus écoutées à cette heure-là le dimanche sur RTL, Energie et France Inter», commente le journaliste, visiblement flatté.
Que de chemins parcourus pour en arriver là ? Soro Solo présente sa première émission radio en 1983 au terme d’un stage à l’Institut national de l’audiovisuel de Bry-sur-Marne près de Paris. Une émission quotidienne dédiée au Temps du disque suivie plus tard du Réveil matin, de 6 heures à 8 heures. Trois ans plus tard, en 1986, il se fait remarquer par Sylvie Coma, productrice de l’émission Taxi-Brousse sur Radio France International, séjournant à Abidjan à la faveur des Découvertes RFI. Celle-ci lui tend la perche. Souleymane Coulibaly, de sa première identité, diffuse ses reportages dans cette émission. En 1989, lorsque le vent de la démocratisation souffle sur la Côte d’Ivoire, il lance sa chronique Le Grognon. Chaque matin, les auditeurs dénoncent les dérapages des services publics, en direct, par téléphone interposé. Le Grognon devient célèbre auprès des petites gens qui peuvent y vider leurs colères et frustrations latentes, mais suscite, en revanche, le courroux des responsables de l’administration publique et surtout, celui des hommes en uniformes. Conséquences : Soro Solo est suspendu d‘antenne régulièrement…
Janvier 2003, débarquant à Paris pour participer à l’assemblée générale d’Afrique en créations, le journaliste demande et obtient l’asile politique en France. Flashback. Le 18 octobre 2002, un mois jour pour jour après le déclenchement de la rébellion qui déchire encore la Côte d’Ivoire, Soro solo assiste à l’assassinat de deux des membres de sa famille ayant accompagné sa défunte tante à sa dernière demeure au cimetière de d’Adjamé-Williasville. « J’ai eu la vie sauve parce que je venais à peine de quitter les lieux. J’ai compris ce jour-là que ma vie était en danger », s’était résigné celui qui, par amour de sa patrie et par devoir envers ses compatriotes, avait poliment décliné plus d’une offres d’emploi vingt ans plus tôt en France ; au motif qu’il se sentait plus utile à son pays et redevable à ses contribuables de lui avoir permis de bénéficier d’une formation à l’INA.
Par Jacques POWPLY
(Portrait publié dans l’édition intrenationale du Magazine panfricain Afrique Compétences n°2)
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