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Élizabeth Tchoungui :Elle a la Culture dans la peau

On la reconnaît à sa silhouette longiligne et à cette coiffure assez particulière qui emprisonne à leurs racines, à l’aide d’un ruban, de longs cheveux dressés comme une crête. Cette rentrée, elle devrait mettre le cap sur France 5 où elle est annoncée pour reprendre les rennes du magazine Les Maternelles. Elle, c’est Elisabeth Tchoungui, journaliste à France 24 depuis la création de la concurrente française de CNN et de la BBC, deux chaînes d’information en continu américaine et britannique. Un retour aux sources puisqu’à ses débuts, la jeune journaliste y avait officié.
La vie d’Elisabeth Tchoungui pourrait se résumer en télé. Elle enregistre près de la moitié de ses 35 ans sur les plateaux. D’abord à la CRTV, la télévision nationale camerounaise, ensuite sur les chaînes françaises TF1, CanalJ, France 5, TV5 Monde, Voyage et France 24.
Diplômée du CELSA et de l’Ecole de Journalisme de Lille (69è promotion), Elisabeth commence sa carrière télévisuelle française à la rédaction de TF1 puis la poursuit à Canal J en présentant le JTJ (Journal télévisé jeunesse). Parallèlement à cette charge, elle pilote le JT sur TV5 Monde ainsi que le magazine «24 heures à » de la chaîne francophone.
2006. Dès son lancement, France 24 confie son service culturel ainsi que la présentation du journal de la culture à Elisabeth. Lors de ce rendez-vous quotidien, la journaliste reçoit les acteurs de la scène artistique internationale et met en lumière les manifestations culturelles de premier plan. On la retrouvera ainsi sur divers théâtres (Festival de Cannes, Berlinale, Mostra de Venise, etc.) en train de faire montre de sa grande culture. C’est qu’Elisabeth est aux confluences de plusieurs civilisations.
Père Camerounais et mère française originaire du Sud-ouest de la France, elle est née aux Etats-Unis, a grandi au Cameroun et étudié en France où elle travaille et vit.
Mais elle sait surtout tirer avantage de ses origines camerounaises. Ce véritable terreau par lequel elle entend enrichir son autre moitié française. Notamment quand elle emboîte son stylo pour se transformer en une écrivaine à la plume enivrante. Son premier roman, Je vous souhaite la pluie, en témoigne par son style qui l’emprunte au célèbre Le soleil des indépendances d’Ahmadou Kourouma. Un savoureux mixage des français de France et du Cameroun. A ce propos, la critique littéraire du Figaro, Astrid de Larminat, écrivait à la sortie du livre: «On est immédiatement happé par la pétulance du phrasé d’Elizabeth Tchoungui qui emprunte au parlé camerounais sa truculence et son sens de la métaphore prosaïque, ainsi qu’un certain esprit railleur». Ce conte de fées des temps modernes se veut un double hommage à l’Afrique «le continent où la langue française a le plus de vitalité ». En raison d’un renouvellement permanent «comme nulle part ailleurs, chaque jour de nouvelles expressions y apparaissent» et aussi « à mes sœurs africaines, à leur courage, leur dignité et leur dynamisme car elles sont l’avenir de l’humanité et de l’Afrique en particulier ».
Après Sept filles en colère, un recueil de nouvelles coécrites avec six camarades de l’ESJ de Lille, Elisabeth qui avoue avoir «chopé le virus » de l’écriture mûrit un deuxième projet. Un roman dont le héros sera cette fois un homme d’origine camerounaise et aura «une forte base africaine parce que l’Afrique m’inspire tout particulièrement », confie cette écrivaine qui dit écrire « avec ses tripes».
Si elle préfère toujours être du côté de la Culture en télévision, c’est pour essayer d’inverser à son modeste niveau la tendance des media français à ne diffuser qu’une image désastreuse de l’Afrique. «On parle rarement de l’Afrique qui marche, alors que le continent reste debout. C’est pour cela que professionnellement, j’ai toujours essayé de prendre le contre-pied de cette tendance. (..) Or la culture est un moyen de parler de manière positive de ces pays », explique Elisabeth. Qui n’en demeure pas moins dans la société, une militante convaincue de la cause des minorités. Sa réaction relative à la représentation desdites minorités dans les media est sans appel. «C’est bien de mettre des présentateurs blacks à l’antenne. Mais si dans les feuilletons télé, le voyou est toujours un arabe et le dealer de drogue un black, on n’est pas très avancé… Dans les journaux télévisés, on ne voit de noirs que dans les sujets sur les squats, les sans-papiers. Quand on interroge des spécialistes – un économiste à propos du prix du pétrole, un vétérinaire à propos de la grippe aviaire, ou un médecin à propos de tel vaccin – ce sont rarement des noirs. Or il y en a dans ce pays », dénonce-t-elle.
La discrimination, Elisabeth l’a expérimentée. Etudiante, elle était contrainte d’envoyer sa mère visiter les appartements qu’elle voulait prendre en location parce que le « oui » au téléphone se transformait aussitôt en «l’appartement venait d’être pris» quand elle s’y rendait elle-même. Aussi, demeure-t-elle convaincue qu’il est important de montrer des noirs, des arabes, qui ont réussi si l’on veut changer la perception inconsciente que leurs hôtes ont d’eux. «J’en ai marre que dans l’imaginaire de ceux qui vivent ici, le noir soit éboueur, racaille, nounou ou nettoyeur de métro. Alors qu’il y en a qui sont ingénieurs, chefs d’entreprise, et même secrétaire d’Etat!», s’exclame dépitée la journaliste.
Autant de raison pour justifier son engagement au sein de la Commission Images de la diversité du Centre National de la Cinématographie et du comité directeur d’Unifrance, organisme chargé de promouvoir le cinéma français dans le monde.

Par Jacques POWPLY
(Portrait publié dans l’édition intrenationale du Magazine panfricain Afrique Compétences n°2)

Elé Asu: Elle brille, la petite étoile noire de Canal+

26 septembre 2006-9 février 2007. Moins de six mois qu’elle officie sur Canal+ et elle s’adjuge le Trophée Jeunes Talents du jeune journaliste qui confirmait ainsi ses qualités humaines et professionnelles. Par lesquelles Elé Asu (dites Assou) a conquis le cœur des affidés de la chaîne câblée. Les compliments foisonnent sur la toile à son égard : «Je vous trouve professionnellement très compétente et physiquement saine. Merci pour votre fraîcheur.», écrit cet internaute tandis qu’un autre confesse : «Je ne regarde la Matinale que pour avoir le plaisir de l’écouter et de la regarder. Ce n’est pas une fixation mais quelque chose qui oscille entre admiration et magnétisme».
Jeune femme douce et déterminée, Elé Asu, jeune présentatrice d’informations dans la Matinale sur Canal+ s’est imposée rapidement sur la lucarne par son savoir-faire, fruit d’un travail acharné et force volonté. Réveil à 2 heures et demie. Arrivée au bureau une heure plus tard. «Mon chef d’édition est déjà là et nous préparons le premier journal en trois heures».
Quand elle débarque de Direct 8, sa confidentielle chaîne de la TNT (Télévision numérique terrestre en septembre 2006, la petite franco-nigériane n’avait rien d’une professionnelle, ni un parcours prédestiné. C’est qu’Elé Asu, après son diplôme de Sciences-po à l’Institut d’études politiques de Strasbourg se voyait finir comme fonctionnaire européen, marchant sur les traces de son diplomate de beau-père, surfant sur l’image et la culture. Pour ce faire, elle avait intégré le ministère français de la Culture où elle s’occupait des arts de la rue et du cirque.
Sa rencontre avec la comédienne Delphine Devost qui était en charge d’une émission pour la jeunesse, va lui ouvrir une carrière télévisuelle prometteuse. En se reconvertissant au journalisme, Elé Azu échoue à Direct 8. «C’était parti pour être éphémère et j’ai aimé la télé, c’est devenu une aventure rigolote», fait-elle remarquer, coquine. Elle commence par une émission pour enfants, puis devient co-présentatrice de Direct Matin. Son projet initial personnel ? Mettre en place un JT enfant. Elle n’y réussit pas. Sa hiérarchie lui suggéra un essai à la rédaction. « Formidable, j’avais trouvé ce que je voulais faire !». Elé ne la quittera qu’en septembre 2006. Pour une autre, sur une chaîne qui a beaucoup plus d’envergure.
Canal+ lui offrait de remplacer Stéphanie Renouvin , la présentatrice des journaux de La Matinale qui, profitant du plan de départ organisé par la direction ; a retrouvé ses anciennes amours : dame Musique. Depuis, perdure la belle aventure ! D’ailleurs, celle-ci ne fait que commencer. A 29 ans, la «petite nigériane» comme on l’appelle là-bas, Elé Asu a tout le temps devant elle.
Si à ses débuts elle affichait un caractère réservé, avec le temps, l’expérience et davantage d’assurance, Elé a pris du coffre et pratique désormais le corps-à-corps cérébral et sait faire, au besoin, acte de provocation: «La réserve et la courtoisie, ça ne marche pas avec tout le monde», s’en défend-t-elle.
Désormais sous les projecteurs et dans les foyers des téléspectateurs qui avoue avoir voulu travailler sur les contenus pour éviter d’être exposée, la petite étoile venue du ciel de Calabar, capitale de l’État de Cross River, au sud est du Nigeria; savoure les joies d’une telle exposition médiatique. «Je n’ai pas de regret. C’est un métier ludique et j’ai eu beaucoup de chance car je me suis retrouvée avec des gens super », confesse Elé. Laquelle rappelle que les citoyens français issus des minorités dites visibles étaient condamnés, pour connaître une relative réussite sociale, à la pratique du sport ou de la musique : « Pour réussir auparavant, appartenant à une minorité, on était obligé de faire la musique ou le sport. Maintenant, il y a une autre option… » De la à être représentative de ces minorités? Réponse : « Je considère que j’ai eu accès à l’arme fatale, la culture ». Entende qui voudra !

Par Jacques POWPLY
(Portrait publié dans l’édition intrenationale du Magazine panfricain Afrique Compétences n°2)

Denise Epoté: Une brillante carrière au service du Continent

Son visage trahit une timidité inavouée. Elle n’a rien d’un bulldozer. Et pourtant, c’est une femme de caractère. Que rien n’arrête tant qu’il s‘agit de faire son travail : honorer ses rendez-vous avec ses 200 millions de téléspectateurs. Le jeu en vaut la chandelle et elle sait s’y prendre, Denise Epoté, directrice Afrique de TV5 Monde et présentatrice de Et si vous me disiez toute la vérité ?, une émission-interview qu’elle a lancée sur la chaîne francophone voilà dix ans. Sens inné de la persuasion et détermination sont ses principaux atouts pour décrocher les rendez-vous avec ses intervenants, des personnalités politiques aux agendas très serrés. «Je joue au résultat », confie cette journaliste talentueuse et prédestinée.
Aînée d’une famille de quatre enfants dont deux filles et deux garçons, les parents de Denise – son père est ancien fonctionnaire des finances et ancien parlementaire et sa mère, ancienne cadre du Trésor public camerounais – voulaient en faire une avocate. Jeune fille respectueuse, elle s’inscrit en faculté de droit après son bac mais, présente discrètement le concours d’entrée à l’Ecole supérieure internationale de journalisme de Yaoundé. Bingo! Elle est admise se classant unique femme dans une liste ne comportant que des males. Et ce qu’elle avait prise pour la plus grosse des difficultés à savoir convaincre ses parents de son choix de faire du journalisme, fût une surprise agréable et inattendue. En effet, son père l’autorise, contre toute attente, à suivre cette formation. La jeune Denise avait trouvé très tôt sa voie royale. Puisqu’elle connaîtra une carrière fulgurante dont le pic est ce poste de directeur Afrique de TV5 Monde qu’elle occupe depuis 1998. Lequel poste est la preuve de la confiance dont elle jouit auprès de sa hiérarchie et qu’elle essaie de mériter en donnant, chaque jour, sa disponibilité : «quand on vous confie une mission, c’est qu’on vous a investi d’une certaine confiance. Quelque part, on attend un résultat de vous. Vous devez mériter cette confiance en apportant plus que ce que l’on attend de vous », confie-t-elle.
La jeune journaliste fait ses classes à la radio nationale de son pays, puis intègre, dès sa création, la télévision nationale (CRTV) où elle devient la première présentatrice du JT de 20H30. De 1983 à 1993, elle y occupera également les fonctions de rédactrice en chef.
En 1991, Denise convole en justes noces avec un ingénieur du génie civil français, ancien-directeur- adjoint des Grands travaux du Cameroun qu’elle rencontre deux ans plutôt sur place. Et lorsque la mission de celui-ci s’achève et qu’il rentre en France, les deux époux mettent les voiles ensemble. «Comme une bonne épouse, j’ai suivi mon mari ». Crime de lèse… patriotisme! Ses compatriotes lui en ont tenu rigueur pour un temps mais ont fini par lui pardonner sa «caprice». «Au départ, beaucoup de gens ont pensé que je quittais mon pays. Mais je pense que je sers aussi bien mon pays en étant à TV5. Et puis, c’est pas mal pour ma carrière puisque j’ai été appelée à faire une carrière internationale. Au départ, ce n’était pas gagné », reconnaît aujourd’hui la journaliste, avec une légitime fierté. Même si elle a entretemps divorcé de M. Durand et renoué avec son nom de jeune fille, Denise Laurence Djengué Epoté se classe désormais parmi les intellectuels africains les plus crédibles et dont le Continent s’enorgueillit, à juste titre.
Cette camerounaise qui revendique sa culture bantoue s’avère une redoutable avocate de la cause africaine, ses traditions et arts ainsi que celle des minorités dans le monde. Le journal Afrique, les émissions comme Afrique Presse, un débat hebdomadaire essentiellement axé sur l’actualité africaine, Et si vous me disiez toute a vérité ?, interview bimensuelle dédiée aux décideurs du Continent, qu’elle a mises en place ; ses brillantes interventions dans les rencontres et colloques internationaux en témoignent. Elle disait justement, lors d’un de ces rendez-vous, à propos de la diversité culturelle «mon passage à l’école française, loin d’occulter et de gommer cette identité, m’a fait connaître les joies de la cohabitation pacifique, car je me suis approprié le français » pour rappeler « qu’il ne peut y avoir de diversité culturelle sans diversité linguistique » et que « derrière chaque langue il y a une culture et plus il y a de cultures et plus le monde est riche de nos différences».
Ni ses lourdes responsabilités, ni le poids de l’âge ne parviennent encore à écorner cette journaliste quinquagénaire (elle souffle ses cinquante-cinq bougies le 22 novembre prochain).
Silhouette plutôt juvénile, la mise toujours impeccable, elle se peint volontiers comme une femme d’intérieur. Qui sait concilier avec une relative réussite vies familiale et professionnelle. Entre sa cuisine à concocter de goûteux repas pour les siens, sagacité sur les plateaux de télévisions à arracher la plus pertinente information à ses invités, et deux avions.
A son Afrique et Cameroun qui l’a donnée en cadeau au monde, elle reste toujours attachée. Aussi, leur suggère-t-elle de placer la culture au cœur de leur politique de développement et ce, malgré le recadrage qui leur est imposé par les institutions de Bretton Wood. Car, explique-t-elle «la culture est un élément fondamental du développement économique, à nous de convaincre ceux qui continuent à l’ignorer » avant de conclure que «c’est dans la culture que nous trouverons les réponses aux interrogations de plus en plus pressantes des temps modernes».
A sa télé nationale elle dit être disponible même si elle demeure convaincue que sa carrière n’y est plus : «Si on me dit de revenir présenter le journal au Cameroun de temps en temps, je le ferais avec plaisir. Je n’ai pas renoncé à la CRTV. Je ne suis pas opposée à une collaboration », rassure-t-elle.
Denise Epoté a été sacrée, à Abuja en octobre 2001, meilleure journaliste du continent noir par le Pan African Broadcasting, Heritage and Achievement Awards et un club de la presse hebdomadaire en partenariat avec «la radio mondiale» RFI. Elle a également été élevée, en mars 2009 à la faveur du 21è Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou (FESPACO), au rang d’Officier des Arts et Lettres du Burkina Faso dans le domaine de la télévision et de la presse écrite. Auparavant, elle avait reçu les insignes de Chevalier de l’Ordre national du Lion du Sénégal et Chevalier de l’Ordre du mérite national de son pays natal. Belle reconnaissance pour service rendu.
Journaliste performante et aguerrie, celle qui occupe, par ailleurs, les fonctions de vice-présidente de la section française de l’Union des Journalistes Francophones, cultive également l’humilité à la perfection. «Nous ne cherchons pas à faire l’unanimité. Car chacun est libre d’émettre ses opinions sur une question donnée», tel est son approche d’un travail qu’elle abat, pourtant, au quotidien en regardant de très près aux attentes de ses téléspectateurs. «Je fonctionne par rapport aux préoccupations des téléspectateurs. Qu’est-ce qu’ils veulent savoir ? C’est l’actualité brûlante qui prévaut sur le continent. Que ce soit une situation économique ou politique qui est d’actualité sur le continent, l’invité sera celui ou celle qui répondra aux préoccupations des téléspectateurs».
Noble mission tel son regard sur ce métier dont elle dit que l’on n’y vient pas après avoir raté sa vocation. Car le journalisme est «un métier d’élite qui a sa déontologie, qui demande une bonne formation et, à la limite, une certaine spécialisation ». Aussi, la directrice Afrique de TV5 Monde conseille-t-elle « à ceux qui aimeraient embrasser ce grand métier, il faut avoir une grande probité morale. Car si vous cédez au gain facile et que vous laissez acheter votre conscience, vous avez tué votre carrière dans l’œuf. Donc il faut être convaincu de votre choix et foncer avec courage ». Trèves de commentaires.

Par Jacques POWPLY
(Portrait publié dans l’édition intrenationale du Magazine panfricain Afrique Compétences n°2)

Christian Eboulé: Une quête permanente d’équilibre

Heureux comme Christian Eboulé qui vit dans le présent, pour faire écho au sage. Ne jamais se projeter dans le futur ni ambitionner, voilà la devise de ce journaliste d’origine camerounaise qui coule des jours tranquilles à concilier avec un bonheur inégalé sa vie familiale et professionnelle à TV5 Monde. Où il s’attèle à préparer au quotidien ses deux magazines attitrés : 7 jours sur la Planète et Afrique Presse. Pourtant ses débuts en France n’ont pas été sans nuages.
Parti étudier la géodésie à Moscou nanti d’une bourse de l’Union des républiques socialistes soviétiques, le jeune étudiant jette l’éponge, seulement un an plus tard. «L’environ social et éducatif ne me convenait pas. Certes, les études qui m’étaient proposées étaient très attrayantes, mais les diplômes soviétiques étaient à l’époque très dévalorisés. Nous vivions dans un environnement d’apartheid, quasi carcéral», commente-t-il.
Christian Eboulé débarque en catimini à Paris, heureux de se déplacer en toute liberté. Mais dans la capitale française, il se retrouve vite sans le sou ni papiers. Il bénéficie de l’aide de quelques compatriotes et amis qui l’hébergent quelques mois. Pas suffisant pour réaliser son rêve. Il décide de retrousser les manches et cumule emplois et études. Puis, un jour, la chance lui sourit. Une rencontre inattendue avec un homme et une femme voire une famille qui «va me tendre la main, et me porter pendant deux ans», se souvient-il, ému.
Le BTS de comptabilité en poche, il rentre à TV5 en qualité comptable à l’issue d’un stage. Il gardera ce poste une dizaine d’années et décide, dans un élan global de remise en question, de se reconvertir au journalisme. «Je venais de décider de changer de vie. Et le journalisme convenait le mieux à cette nouvelle vie », se justifie-t-il.
Deux tentatives consécutives du concours d’entrée au Centre universitaire de journalisme de Strasbourg, un diplôme de fin de cycle de cet établissement et l’ancien comptable prend les rênes du site internet de la rédaction de TV5 Monde.
Ce poste sera supprimé quelques mois plus tard et Christian Eboulé affecté à l’émission quotidienne de la chaîne francophone l’Invité, puis aux journaux télévisés, s’occupant parallèlement des deux magazines hebdomadaires Afrique Presse et Sept jours sur la planète dont il prépare les contenus.
Changer de vie et de profession dans une quête insatiable d’équilibre. Cela a un coût que l’ancien comptable a dû payer cash. D’abord, parce qu’il aura payé de sa poche sa formation au CUJ de Strasbourg. Ensuite, parce qu’il abandonnait la proie pour l’ombre; une carrière d’expert-comptable étant par essence plus prometteuse et beaucoup plus rémunératrice que celle de journaliste. Enfin, parce que sa réintégration à TV5 Monde n’aura pas été aisée. Mais il n’en a cure. «J’ai cet équilibre de vie aujourd’hui. Je suis un homme heureux si tant est-il que le bonheur est un but. C’est ce qui importe ! », se rassure-t-il. Mais de quoi retourne-t-il, cet équilibre de vie ? « C’est un travail qui repose essentiellement sur les sagesses les plus anciennes et les plus universelles. (…) Certaines sont liées à des monothéismes (musulman, chrétien). Je suis très attaché au sophisme. J’ai été protestant, catholique… Mais je ne suis pas nécessairement en quête de religion, ni de spiritualité non plus». Vous aurez compris !

Par Jacques POWPLY
(Portrait publié dans l’édition intrenationale du Magazine panfricain Afrique Compétences n°2)

Amobé Mévégué: La fierté d’être Africain

«Dans une relative opacité, à chaque génération sa mission : la servir ou la trahir». A elle seule, cette phrase de l’écrivain martiniquais Franz Fanon résume Amobé Mévégué. Sa vie publique, privée et son rapport avec son continent, l’Afrique.
Camerounais et immigré en France dans sa tendre enfance à la suite de ses parents, l’animateur de Plein Sud sur Radio France International (RFI) se redécouvre à l’âge de cinq ans. Par une insouciante révélation de ses «petits camarades blancs». Un choc à l’origine de sa métamorphose.
Il raconte : «Enfant, je m’identifiais au super héros Tarzan de la série hollywoodienne éponyme en jouant dans la cour avec mes cinq frères et sœurs et mes amis blancs. Et je m’entends dire un jour : «Mais non, tu ne peux pas être Tarzan, tu es noir. Tu es Chita le chimpanzé». Le garçonnet venait de prendre conscience de sa différence, et analyse-t-il, «Quand on a cinq ans, on ne regarde pas forcément les gens en fonction de leur couleur de peau». Désormais, l’adulte qu’il est devenu n’a de cesse de marteler : «Je suis redevable à cette série».
Pour cause, le jeune enfant entame un long parcours initiatique pour se réapproprier sa culture d’origine, tout en restant ouvert à celle de son pays d’accueil. Il veut incarner le « citoyen d’Afrique», promouvoir le développement de ce continent et celui de la communauté noire en France. Il apprend la langue de ses parents, ingurgite les savoirs et connaissances de ces ancêtres. Il peut compter sur un environnement familial sécurisant et propice. C’est donc avec fierté qu’Amobé Mévégué fait désormais valoir sa différence. Celle qui renie l’acculturation et l’aliénation intellectuelle.
Les actes s’enchaînent. Il change de prénom, anagrammes des initiales de l’ancien et de ceux de ses géniteurs. Alain devient Amobé : A, comme Alain, pour explique-t-il ; « respecter le choix de sa mère». M, comme Mévégué, le nom de son père qui, lui-même, y avait déjà apposé celui de son oncle. Feu son père s’appelaient donc Mévégué Ongondo. O, comme Ongondo. B, comme Bineli, le nom de son grand-père. E, pour le son de la deuxième lettre de l’alphabet français.
Il revisite sa manière de se vêtir troquant les vêtements à la mode occidentale contre ceux africains. Il se marie à une Sénégalaise qui lui a donné un fils de cinq ans, Samory et une fillette, Djibel, quatre ans; qu’il couvre d’une tendresse infinie.
S’il réussit à imposer sa nouvelle identité, en revanche, celle-ci ne lui vaut pas que des amitiés. Témoignages : «Le seuil de tolérance est très limité en France dès lors que vous changez de patronyme, que vous ne mettez plus des costumes et cravates mais plutôt des boubous. Les gens changent autour de vous comme ils changent leurs habitudes. Ils vous regardent différemment, et vous n’imaginez pas le nombre de fois que vous vous faites contrôler».
Il n’empêche, Amobé refuse d’être «l’alibi de la civilisation». Convaincu qu’il peut être lui-même tout en faisant à la fois partie de l’élite française et celle de l’Afrique, «ce Continent qui m’a porté». Et de conclure : «L’universel, c’est la somme de toutes les différences».
Alors qu’il prépare son diplôme du Conservatoire français du cinéma dont il sort major de la promotion 1992-1994 en option réalisation, Amobé écume les premières radios panafricaines ayant émergé au milieu des années 80 en France : Tabala FM, Tropic FM, etc. «La radio est un excellent moyen de véhiculer des idées», s’était-il convaincu. Puis, ce sera les plateaux de télévisions (CFI, TV5, France O, etc.) ; jusqu’au jour où RFI vient le chercher en la personne de Gilles Obringer.
Le défunt et célèbre animateur de Média Tropical en avait assez et voulait s’arrêter. Il s’en alla trouver Alain Mévégué et lui proposa de le remplacer. «Gilles me disait : j’écoute la FM parisienne et j’aimerais que tu viennes me remplacer», sen souvient-t-il. Le jeune animateur décline poliment l’offre estimant qu’une telle sommité était irremplaçable. « Gilles a catapulté depuis RFI, les carrières de Kassav’, Youssou Ndour et bien d’autres encore. Grâce à lui, un média s’intéressait à la musique africaine pour la première fois dans le monde occidental ».
Appréhension ? « Non, cet homme avait construit tout un univers autour de son émission et en avait fait une émission mythique. Gilles était sans doute le Français le plus célèbre en Afrique. Outre François Mitterrand à cette époque-là, je n’en connais pas. Aussi, ai-je trouvé cela réducteur que quelqu’un comme moi le remplace ».
Son idée à lui, «Il fallait tourner la page». A partir de cet instant, il développe le concept de l’émission Plein Sud, qu’il anime depuis quinze ans sans discontinuer.
Mais quand Gilles Obringer décède un an plus tard en février 1995, la même équation se repose. Pour solution, Amobé Mévégué propose Claudy Siarr.
Fort de plus de vingt années d’expérience dans les métiers de la communication audiovisuelle et écrite (radio, télévision, cinéma et presse), il décide de retourner sur la terre qui l’a fécondé et voler au secours de la jeunesse africaine à travers une multitude de projets mus par ses demi-succès précédents en la matière. Amobé Mévégué avait lancé en 2001, Afrobiz, un magazine en papier glacé avec entre 35 000 et 50 000 exemplaires et financé de sa poche à hauteur de 75 000 euros (49.196.775.000 FCFA) chaque tirage. L’entreprise s’était avéré un gouffre financier. Aussi, décida-t-il d’arrêter l’hémorragie et de repenser le projet, l’un de ceux qu’il remet sur la table, pour son retour. Car, ce magazine avait connu un certain succès éditorial, notamment en Afrique et auprès de la jeunesse africaine.
Il avait également créé le Pacte d’actions des synergies solidaires (PASS),
car estimait-il qu’il est inadmissible que des jeunes Africains qui habitent la terre la plus riche du monde soient condamnés à être les esclaves universels parce que ces richesses sont mal distribuées. Il proposait donc un réseau d’actions citoyennes à travers le Pass dont l’objectif final était de créer des emplois directs pour la jeunesse africaine. Pour ce faire le Pass devrait intervenir dans divers secteurs : santé, éducation, protection de l’environnement et métiers de la culture.
La mort de son père en 2005 et ses nouvelles responsabilités en sa double qualité d’aîné et héritier de la famille ont mis fin prématurément à cette initiative. Laquelle, d’ailleurs, revient en 2010 sous une forme améliorée : une fondation et des supports médiatiques beaucoup mieux élaborés, structurés et crédibles pour promouvoir l’inépuisable patrimoine culturel et artistique africain aux fins de créer un réseau d’emplois pour ses frères restés sur le Continent. Ce programme ambitieux et généreux qu’il «espère porter à son terme avec le soutien des ancêtres» constitue l’une de ses principales missions sur terre. Qu’il essaie d’accomplir autant dans les mass-médias, la musique (en produisant Amy Koïta, une diva au Bataclan ; Pierrette Adams à Planet Hollywood, premier clip musical africain en 3D…) qu’au au Septième art en réalisant des films aux titres évocateurs : Tenue correcte exigée en 1994 et Nola Darling en 1992, film d’école ayant obtenu le premier prix de la mise en scène. Le jeune cinéaste vient d’achever l’écriture d’une comédie dramatique musicale intitulée Les Damnés de Zion et de Soul Africa, un opéra noir en huit actes. S’y ajoute, Le negro malgré lui. Ce film-documentaire résonne comme un autoportrait relatant, sur fond de dérision, de satire, de rencontres, etc.; les trente-six années de vie d’un immigré africain en France. Quelle fécondité!

Par Jacques POWPLY
(Portrait publié dans l’édition intrenationale du Magazine panfricain Afrique Compétences n°2)

Alexis Konan: Disponible, pas plus !

Le regard perçant, le verbe juste et un pas alerte. Il court entre deux stations de métro. Entre ses émissions à France 3, 3ATeleSud et ses cours aux étudiants en licence de l’Ecole internationale de Communication de Paris. On le retrouve aussi, de temps à autres, à Abidjan, où il fait le communiquant (en matière d’audience) pour des entreprises et des personnalités. Alexis Konan, journaliste diplômé de l’Ecole internationale de communication de Paris et titulaire d’un doctorat de 3è cycle en économie des média de l’université Léonard de Vinci de Paris se veut disponible. Non seulement pour faire partager son savoir mais également pour le mettre à la disposition de ceux à qui cela sert. «Quand l’on apprécie votre travail et vous encourage, vous avez parfois le sentiment d’avoir eu de la chance, mais en réalité, il s’agit plutôt de votre capacité à bien le faire», se satisfait ce professionnel des média ivoirien que rien ne prédestinait à cette profession.
En 1990, le jeune Alexis part de sa Côte d’Ivoire natale étudier les sciences juridiques à l’université de Lausanne avec une bourse de l’Association des éditeurs suisses de langue française. Après l’obtention du DUEG (Diplôme universitaire d’études générales), il rejoint la France et passe haut la main le concours d’entrée à l’Ecole de journalisme (ECP). «J’aurais dû faire la licence en sciences juridiques puis continuer à l’Ecole d’études commerciales en Suisse, et essayer plus tard d’entrer à la Sorbonne pour des études en communication; mais arrivé en France, j’ai préféré l’école de journalisme ». Malheureusement ou heureusement ? Même le concerné ne peut répondre à la question.
C’est que depuis la Suisse, l’étudiant en droit s’était concomitamment inscrit à l’IFP (Institut français de la presse). Mais sa formation achevée et alors qu’il était apte à travailler, il préfère tenter le concours du 3è cycle d’économie des média. Ici, son explication se veut plus rationnelle : « Quand on est jeune on fait des choix sans avoir forcément les éléments qui fondent le jugement », commente-t-il tout en s’empressant d’ajouter : « Je ne regrette rien».
Il a bien raison. Car à l’issue de sa thèse, le ministère français de la Coopération, par le truchement de son service de la communication, lui confie la mise en place de l’information scientifique de l’ Institut de recherches en développement (IRD) autrefois connu sous l’appellation ORSTOM (Office de la recherche scientifique des territoires d’outre-mer) de Dakar et d’Abidjan. Puis ce sera au tour de France 3 de l’appeler en 1998 pour intégrer l’équipe d’Espace francophone. Il raconte : «J’avais réalisé une émission sur le Festival de femmes de Créteil dans le cadre de ma thèse de 3è cycle, laquelle avait été reprise par Le Monde. Et c’était la toute première fois depuis la création d’Espace francophone».
Son destin de journalisme venait une fois plus de rattraper Alexis Konan. Qui grâce à cette émission de France 3 rediffusée par TV5 Monde, peut contribuer à une meilleure visibilité des arts et cultures des 150 pays membres de la Francophonie et ses deux pays observateurs. Le journaliste ne boude pas son plaisir à exercer son métier à Espace francophone. En effet explique-t-il, «dans un espace réduit où chacun maîtrise son fait, les uns et les autres se respectent mutuellement. Par conséquent, il n’y a pas de conflit, d’autant plus que chacun sait qu’il peut profiter des compétences de l’autre et vice-versa ». Toutefois, il se dit disponible pour apporter sa pierre à l’édification de son pays. «Mais, ont-ils seulement un poste pour moi et les moyens pour me payer, à Abidjan? Grosse interrogation.

Par Jacques POWPLY
(Portrait publié dans l’édition intrenationale du Magazine panfricain Afrique Compétences n°2)

Alain Foka: Mission, redorer l’image de l’Afrique

Archives d’Afrique, Médias d’Afrique, Afrique Plus. Ces trois émissions phares de «la radio mondiale» présentant le continent noir tel qu’en lui-même, portent la griffe d’Alain Foka. Ce Camerounais a embrassé la profession de journaliste comme on entre dans les Ordres. C’était sa vocation, et il ne pouvait lui résister. «J’ai toujours voulu être journaliste», aime-t-il à répéter même si, au carrefour de sa vie estudiantine, il avait failli opter pour la robe d’avocat. Cette année-là, ayant réussi le concours d’entrée à l’Ecole supérieure des sciences et techniques de l’information et de la communication (ESSTIC), il préfère des études en sciences politiques. Mais, rattrapé par sa vocation, il entre au Centre de formation de journalisme de Paris où il retrouvera, d’ailleurs, en troisième année des anciens étudiants de cette école.
1984. Sa formation achevée, Alain va bourlinguer entre Europe1, France Inter et la 5è chaîne de télévision française avant de débarquer à Radio France Internationale bien déterminé à donner un bon coup de pinceaux à l’image dévalorisée de l’Afrique en Occident et en France. Il crée l’émission quotidienne Archives d’Afrique, cette tribune où les Africains peuvent désormais eux-mêmes «raconter notre histoire et non la laisser aux mains du colonisateur ». Suivent Médias d’Afrique où les journalistes et éditorialistes africains donnent leur perception de l’actualité internationale, et Afrique Plus, dans laquelle il montre l’autre visage de l’Afrique, celui de l’Afrique ambitieuse, qui remporte des succès.
Homme de média averti, Alain sait que la bataille de l’image ne peut être gagnée par l’Afrique que si elle-même dispose de relais puissants. Il s’investit donc, sans exiger le moindre centime, dans la mise en place de radios et télévisions en Afrique au sud du Sahara. Les chaînes privées Golf FM et LC2 au Bénin, Ténéré radio et TV au Niger, Equinoxe FM et TV au Cameroun, Radio Liberté au Congo et la chaîne publique TAL TV au Niger ont ainsi bénéficié de son expertise.
Egalement convaincu que de bonnes structures sont loin de suffire pour être performant, il entreprend de partager expérience et son savoir-faire avec ses (con)frères du Continent. On le retrouvera ainsi faisant de la formation au Rwanda, au Togo, au Mali…
Alain Foka se passionne pour le journalisme et pour l’Afrique parce qu’il veut délivrer des messages. Notamment à la jeunesse africaine que rien n’est encore perdu pour elle à condition d’y mettre de la volonté : « Quand je vois des gens traverser des déserts, sacrifier leurs vies à la mer dans des embarcations de fortune parce qu’ils veulent rejoindre l’Europe comme si tout y est pour le mieux dans le meilleur des mondes ; quand j’entends des gens se dire que tout est perdu pour eux ici qu’ils se laissent aller au désespoir ou sombrer dans la délinquance, je leur dis : ce n’est pas parce qu’on est fils de pauvre, ce n’est pas parce qu’on manque d’argent que ce n’est pas possible. Il faut simplement y croire». Et il pense pour de vrai.
Fils d’un modeste policier mort avant même qu’il ne traverse l’adolescence, Alain doit son salut à son acharnement au travail et une force de caractère dont seuls savent faire preuve ceux qui sont pétris d’ambitions, d’abord pour eux-mêmes et pour les autrui, ensuite. «Je suis fils d’un petit policier qu’a priori rien ne prédisposait à aller suivre des études en Europe. J’ai perdu mon père avant même d’avoir eu mon Bac. Je me suis retrouvé en Europe finalement, j’ai fait de bonnes études et j’y suis arrivé, et je fais un métier qui me plaît ; celui que j’espérais faire. Donc tout est finalement possible quand on y croit », rappelle ce journaliste très humaniste qui sait toujours garder les pieds sur terre. Tant et Si bien qu’il se laisse tétaniser par son interlocuteur notamment, lors de l’interview que lui accordait Nelson Mandela à sa sortie de prison : «(…) j’ai perdu mes moyens. J’étais devant un monument. (…) j’étais influencé et je perdais mes mots. Et il m’a dit : « Mister Foka, take it easy !». Et pourtant, il se souvient de ce moment comme étant le meilleur de sa carrière.
Le génocide rwandais et la guerre au Congo qu’il a vécu en témoin privilégié mais impuissant lui auront toutefois laissé une profonde blessure à l’âme. «J’y ai vu la bêtise humaine. J’ai compris que l’homme n’était pas si loin de l’animal. Les charniers, des villages entiers décimés, des gens qui tuaient leurs semblables à la machette, qui les découpaient et qui vous poussaient à les filmer», témoigne-t-il, aujourd’hui encore, avec une amertume mêlée de révolte…
S’il ne perd pas espoir, c’est parce que le journaliste qu’il est, rêve que dans une, deux, trois décennies peut-être, des journalistes africains officieront sur des grands médias internationaux et que des Africains créeront un media puissant à l’image de la chaîne américaine d’information en continue CNN. «Pour qu’on écoute aussi leur son de cloche ». Alors, aura sonné pour lui, l’heure de ranger son micro. «Je passerais à autres choses… », annonce ce journaliste talentueux.

Par Jacques POWPLY
(Portrait publié dans l’édition intrenationale du Magazine panfricain Afrique Compétences n°2)

Leçons de rassemblement et d’intégration

La presse américaine en a fait ses choux gras focalisant l’actualité nationale, courant juillet 2009, sur le commentaire de Barack Obama relatif à l’affaire Gates Jr.
Rappel : Henri Louis Gates Jr, cet éminent professeur noir de la prestigieuse université américaine d’Harvard rentre chez lui d’un voyage. Ayant perdu les clés de sa demeure, il tente, aidé de son chauffeur de défoncer sa propre porte. Une de ses voisines appelle la police en lui signant que «deux noirs sont entrain de cambrioler une maison».
Arrivés sur les lieux, les policiers embarquent le maître des lieux au commissariat, menottes aux poignets.
Le président américain commente l’affaire en déclarant que «la police a agit de façon stupide». Les journaux se saisissent de l’affaire et accusent le président de partialité, arguant qu’un président devrait plutôt rassembler les citoyens autour de leur police. Soit.
Mais, dans l’Amérique des communautés, est-ce suffisant pour jeter aux loups un président pour avoir rappeler tout bonnement que ces Etats-Unis d’Amérique dont il est l’exemple patent devraient au contraire s’assumer ? Nous pensons que non. Car, les propos de cette bonne voisine au professeur sont la manifestation-même du racisme. Dans ce pays, un Noir, fût-il éminent professeur d’université – et pas n’importe laquelle ! – n’a pas le droit d’habiter un quartier si huppé. On ne peut certes ne pas connaître tous ses voisins de quartier, mais on peut reconnaître son voisin du lieu où on est posté pour voir «deux noirs cambrioler une maison».
Autrement, il faudrait nous convaincre du contraire. Ce d’autant plus dans les pays du Nord prétendument émancipés, on crible toujours d’épithètes les personnes venues d’ailleurs ou soupçonnées de l’être. Quand elles ont le malheur d’avoir une attitude déviante, mais jamais lorsque celles-ci s’illustrent par une bonne action.
Deux exemples parmi tant d’autres. Au printemps 2006, en Italie. Le quotidien local La Provincia de Crémone titrait à la suite d’une collision mortelle entre deux véhicules qu’un Indien avait tué une Italienne. Par contre durant l’hiver 2007, ce même quotidien n’avait pas trouvé de mots précis pour saluer la capacité de deux immigrés noirs à faire du bien écrivant que deux voisins avaient sauvé une vie. La veille au petit matin, mon épouse et moi avions appelé les gendarmes de notre petit village au secours d’une vieille et irascible voisine tombée par terre dans sa chambre qui, n’arrivant à se relever, tapait le sol de sa canne et appelait à l’aide d’une voix à peine audible.
Pire, aucun journal n’ose dénoncer le parti xénophobe de la Ligue du nord qui clame sans discontinuer qu’il «lutte contre l’invasion extracommunautaire», si ce n’est pour faire l’apologie de ses discours racistes. Puisque, les étrangers non membres de l’Europe unie doivent déguerpir afin que «les Italiens soient maîtres chez eux».
Depuis cinq que nous vivons dans ce pays, les slogans de campagnes électorales – et Dieu sait combien de campagnes il y en a eu – ne varient guère. Quatre au total, ces slogans livrent les étrangers à la vindicte populaire en assénant :
1. Défendons la terre de nos pères – Maîtres chez nous.
2. Nous ne pouvons pas accueillir tout le monde, aidons d’abord les nôtres.
3. Ils ont subi l’immigration, désormais ils vivent dans des réserves, penses-y, illustré de l’image d’Amérindiens, tous premiers habitants de des Amériques. Et ces slogans d’appeler l’électeur en ces termes :
4. Vote Bossi.
Pour preuve, le très célèbre Corriere de la sera (Le Courrier du soir) publiait le 29 juin 2009 dans ces colonnes sous la plume d’un certain Alberoni Francesco un justificatif de l’extraordinaire expansion de ce parti. Ce pamphlet titré « La politique proche des citadins, un localisme qui engendre des vote s », décrypte avec forces arguments le «Rapport direct entre élus et électeurs sans verbiages ». M. Alberoni explique que la Ligue du Nord est «l’expression des populations vivant des vallées et aux pieds des montagnes de l’arc alpin, une zone géographique restée marginale, sans voix, qui parlait une langue différente de la langue officielle… Un peuple qui a de tout temps regardé vers la Suisse dont il a admiré l’orgueil des cantons en raison de leur autonomie et l’auto-management de ses communes….Un peuple qui s’est toujours senti différent de celui de la plaine et de la ville et qui regardait avec détachement et méfiance jusqu’à Milan. Une zone qui a perdu de son importance ….avec l’immigration extracommunautaire et, petit à petit, a nourri le désir de conserver sa propre identité, (….), et de garder pour soi la richesse qu’elle produit».
Résultat : après le lynchage des Noirs passés presque inaperçus à bord des autobus, à Naples, ont suivis les guérillas urbaines contre cette même communautés, en Calabre.
Précieux fertilisants à l’intégration, au rassemblement. Ici comme ailleurs.

Par Jacques POWPLY
(Article publié dans l’édition internationale du Magazine Panafricain Afrique Compétences n° 2)

Mà tu, cosa chi fai qua?

Voici un peu plus de cinq ans, je foulais le sol italien, pour la seconde fois. La première, c’était en octobre 1998. J’y étais venu en tant que touriste visiter ce pays chargé d’histoires et dont les plaquettes publicitaires vantaient tant la beauté. Déjà, à la gare centrale de train de Milan où je venais de débarquer en provenance de Paris, mille et une questions se bousculaient dans ma tête : était-ce bien ce Milan, la capitale économique de la péninsule et de la mode internationale? Une petite virée à l’extérieur de l’enceinte et je compris très vite. Milan a mal à sa plus grande gare de train d’où partent et arrivent les lignes internationales. Plus que la gare elle-même, c’est davantage la vétusté des trains régionaux qui conforte mon opinion. Si l’Italie avait été sur le continent africain, on l’aurait classée parmi les pays émergents. Mais, l’Italie est membre de l’Europe unie. Sa capitale, Rome, a même abrité le sommet ayant accouché du traité éponyme qui lança la Communauté économique européenne, ancêtre de l’EU.
En cette matinée automnale, me voilà embarqué à bord d’un de ces trains ringards – bien que vétuste, ce train à deux niveaux a été retiré depuis de la ligne Milan-Crémone au motif que celle-ci n’est plus digne de lui. Une heure et demie de trajet, je suis à destination, non sans avoir traversé champs et une pléiades de petits villages où l’arrêt y était obligatoire.
J’en suis reparti, à échéance de mes dix jours de séjour, avec hâte et empressement. Pour m’y retrouver six ans plus tard. J’avais parié que je n’y séjournerais pas plus de deux mois. Eh bien, non !
3 décembre 2004. Je débarque à nouveau à Milan via l’aéroport de Malpensa, à une soixantaine de kilomètres du centre-ville. Direction, Crémone où réside mon épouse. Cette fois-ci, j’avais été appelé par le devoir «conjugal ». Marié depuis peu avec ma douce moitié immigrée e depuis onze ans au pays de la pizza, de la pasta et de la tomate, je coulais des jours heureux sur les bords de la Lagune ébrié. J’étais consultant pour le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et je jouissais d’un épanouissant travail et d’une très bonne rémunération. Je me doutais donc qu’un jour prochain, je me serais retrouvé, immigré, en Italie.
Mais, c’était sans compter avec le destin. En dépit de multiples chemins que j’avais parcourus, des combats menés, des sacrifices consentis et des succès que j’avais pu enregistrer sur lit de ma vie, celui-ci me rappela que mon initiation à la vie n’avait guère été achevée.
En cet après-midi, par un temps d’hiver précoce, me voilà donc au chevet de mon épouse qui venait de frôler la mort à la suite d’un terrible accident de la circulation. Alors qu’elle se rendait à son travail, sa voiture fait une embardée, cinq tonneaux et se retrouve dans un champ en contrebas de la chaussée.
Fort heureusement, elle est secourue de toute urgence par son médecin de famille qui passait par là. Elle s’en était donc tirée avec beaucoup de chance m’écrivait –elle dans un texto, tard dans la soirée. Ma vie venait de basculer à mon insu.
« Tu y es, tu y restes ! »
S’appuyant sur le traumatisme qu’elle avait vécu, mon épouse me convainc de rester. Je l’accepte non sans difficulté mais persuadé, comme le dit le dicton « partout où on coupe le citron, le jus coule». Commence alors le chemin de croix.
Je m’inscris à l’Ufficio di collocamentamento, l’équivalent de l’Agence nationale pour l’emploi en France. Je parcours les agences d’intérim. A chaque entretien, toujours la même question, récurrente : « Mà tu, cosa ci fai qua ? », juste pour me signifier qu’avec de tels diplômes universitaires et une si riche expérience professionnelle, je m’étais sûrement trompé d’adresse. En clair, personne n’avait du travail pour moi. Sauf une. Une relation à une amie autochtone me proposa d’enseigner dans une université libre pour personnes du troisième âge qu’il s’apprêtait à créer. Nous avions gardé le contact jusqu’au jour où mon bienfaiteur m’envoya une invitation à une soirée pour célibataires que j’ai déclinée poliment. Depuis ce jour-là, c’est silence radio. Si je voulais donc travailler, il me fallait entrer « in fàbbrica ». De fait, l’Italie offre peu d’opportunité de travail hors des usines, des tâches de nettoyage et ménagères, des activités champêtres, aux extracommunautaires, ces immigrés dont les pays ne sont pas membres de l’EU. Seuls les plus anciens d’entre eux et c’est cela leur mérite, ont réussi à ouvrir des brèches dans la filière du courrier où ils roulent à longueur de journées à rechercher des adresses et à livrer des colis parfois volumineux et lourds. Si bien que nombre d’entre eux ont dû, poussés à la sortie par une nouvelle loi qui leur impose une formation et une caution de 50 mille euros, revendre camions et fourgons pour se reconvertir en operai. Ce statut d’ouvrier trop souvent généraliste et corvéable à merci qu’ils avaient fui, espérant mieux gagner leur vie grâce à une activité indépendante. Encore que…
Dans un tel contexte de précarité à laquelle s’ajoute une ignorance sidérante – la moitié (50%-chiffres officiels publiés en avril 2009) de la population estimée à 60 millions d’habitants est analphabète. Elle ne sait ni lire, ni écrire- la peur de l’étranger est érigée en valeur cardinale ; sur laquelle surfent allègrement les politiques.
Deux hommes ont de fait transformé la République en un puissant empire qu’ils dirigent en brandissant la xénophobie en épouvantail. Le magnat des médias et homme le plus riche de la péninsule, Silvio Berlusconi, par ailleurs Président du conseil (Premier ministre) et son alter-ego, Umberto Bossi, leader indéboulonnable de la Ligue du nord, parti xénophobe, fasciste et sécessionniste et ministre du Fédéralisme fiscal ? ; font et défont les gouvernements. Face à eux, la mafia dont les composantes ayant pignon sur rue Cosa nostra, Camora et Toto Riina etc., sévit notamment dans le sud du pays. Lequel sud, tant et si bien discriminé qu’il ferait pâlir de jalousie nos pays «pauvres» d’Afrique et qui regarde impuissant ses fils déserter, par hordes entières pour l’eldorado septentrional. Et qui cristallise tous les enjeux électoraux.
Alors, quand échouent aux larges de Lampedusa ou de la Sicile les gommoni, ces barques mal famées et surchargées d’immigrants clandestins, la fébrilité et la rage gagnent les politiques. Mais, que serait ce pays sans cette main d’œuvre corvéable à souhait ? Certains politiques tels ceux du Partito Democratico (PD) de centre-gauche prônent l’intégration des immigrés. Ceux du centre-droit et de l’extrême droite, Popolo della Libertà (PDL) et Lega Nord déchargent les malheurs des Italiens sur les immigrés. Résultats ? Guérilla urbaine en province de Naples où les communautés d’immigrés et autochtones d’un village se sont livrées une guerre sans merci (une trentaine de morts), lynchage à mort d’un jeune Italien d’origine burkinabé à Milan par un père et son fils, brutalité policière sur un honnête père de famille ghanéen à Parme…, l’année dernière.
C’est à croire que le Bon Dieu à déserté sa résidence principale sur terre. Mais pour quelle destination ? Bien malin saura répondre qui a encore le cœur en bonne et due place.

« Qu’es-tu venu chercher ici, toi? »
Par Jacques POWPLY
(Article publié dans l’édition internationale du Magazine panafricain Afrique Compétences n° 1)

Permis de conduire et …«morts blanches»

Question anodine mais pleine de conséquences : Hai la patente ? Hai la macchina ? Hai un motorino ? Hai la bici ? (As-tu le permis de conduire? Une voiture, une mobylette ou une bicyclette?).
En Italie, pour trouver du travail, il n’est pas nécessaire d’avoir une qualification. Les employeurs, qu’ils soient en agence d’intérim, coopérative ou en entreprise, n’ont qu’un souci, unique du genre ; comment vous vaqueriez à vos occupations au cas où vous êtes engagé ? Lire la suite dans l’édition internationale du Magazine panafricain Afrique Compétences n° 3.

Par Jacques POWPLY


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